Retour sur la session parlementaire de printemps 2024
A peine terminée, la session parlementaire de printemps 2024 laisse un sentiment mitigé en ce qui concerne la politique climatique. Si la nouvelle loi CO2 ne permet pas à la Suisse de respecter ses engagements pour la protection du climat, on peut néanmoins se réjouir des avancées effectuées dans le domaine de l’économie circulaire.
Nouvelle loi CO2: la Suisse fait fausse route
Après de longs mois de débats et de ping-pong entre les chambres fédérales, la révision de la loi CO2 pour la période 2025-2030 a pu être finalisée. La nouvelle loi entrera donc en vigueur au début de l’année 2025.
De manière générale, les organisations œuvrant pour la protection du climat déplorent une loi vidée de sa substance et peu contraignante. Déjà relativement faible, le projet de base a encore été dilué par le Parlement national.
Si le Conseil national avait fixé à 70% la part d’émissions de CO2 à réduire par des mesures mises en place directement sur le territoire suisse, la majorité de la Chambre haute a fini par l’emporter. Le texte final prévoit donc une réduction des émissions de CO2 effectuée «en premier lieu» en Suisse, mais sans formuler officiellement d’objectif chiffré.
En ce qui concerne les valeurs cibles d’émissions de CO2 pour les voitures neuves, la Suisse s’aligne désormais sur les objectifs européens. Les chambres parlementaires ont cependant refusé d’imposer une trajectoire annuelle de réduction des émissions pour la période 2025-2030.
Autre point important, aucun accord n’a pu être trouvé sur le soutien fédéral à accorder aux bornes de recharge pour les voitures électriques. Contrairement au Conseil des États, le Conseil national proposait 20 millions de francs – prélevés sur le produit de l'impôt sur les huiles minérales – pour l'installation de bornes de recharge dans les immeubles et les entreprises.
Selon les estimations du WWF, les mesures actuelles contribueraient à une réduction de 31% des émissions de CO2 de la Suisse d’ici 2030 – par rapport au niveau de 1990. La nouvelle loi climat et l’Accord de Paris préconisent en revanche une réduction de 50% à l’horizon 2030 pour espérer limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C.
Économie circulaire: le Parlement pose la première pierre
Sur une note positive, la session de printemps a donné lieu à l’adoption de l’initiative parlementaire visant à modifier la loi sur la protection de l'environnement pour encourager le développement de l’économie circulaire et l’utilisation efficace des ressources en Suisse.
En favorisant une collaboration étroite avec les secteurs de l’économie privée, le texte fraichement accepté propose une approche globale, qui prend en considération l’ensemble du cycle de vie d’un produit. Les mesures envisagées ne se limitent donc pas à la valorisation des déchets, mais intègrent également les processus situés en amont, tels que le partage, la réutilisation, la réparation et le recyclage.
Plus concrètement, le Conseil fédéral sera désormais habilité à fixer des exigences concernant la durée de vie ou la réparabilité des produits, par exemple en ce qui concerne les cycles de charge des batteries ou l’accessibilité aux pièces de rechange. Des incitations sont aussi prévues pour optimiser les emballages et le littering – action de jeter des déchets sur la voie publique – sera à l’avenir passible d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 300 francs.
Le secteur de la construction n’est pas épargné. Les entreprises concernées devront à l’avenir privilégier l'utilisation de matériaux de construction respectueux de l'environnement et la récupération. La Confédération devra pour sa part s’efforcer de donner l'exemple dans le cadre de ses propres constructions et acquisitions.
Et ensuite?
La mise en œuvre de la loi climat et l’adoption de la nouvelle loi CO2 tracent les grandes lignes de la politique climatique suisse d’ici 2030. Même si certains progrès ont été relevés, il apparait également que la Suisse doit faire mieux pour lutter contre le réchauffement climatique. Elle pourrait d’ailleurs y être contrainte par la Cours européenne des droits de l’homme de Strasbourg, qui rendra son jugement dans le contexte de l’action judiciaire intentée par les Ainé·e·s pour le climat courant 2024.
Sinon, le prochain grand rendez-vous est fixé au 9 juin 2024, avec la votation pour la loi sur l’électricité, qui vise la décarbonisation du secteur de l’énergie et propose des mesures pour le développement des énergies renouvelables.
Image: Berni van Dierendonck